vendredi 5 avril 2013

Mélenchon fait sa retape

Ce billet a failli s'appeler "Mélenchon fait le tapin", mais j'ai jugé ce titre inutilement provoc', et également contradictoire dans le sens où je me serais ainsi livré à ce que je suis sur le point de lui reprocher. Et puis j'ai eu cette après-midi une discussion très courtoise sur Twitter avec un sympathique militant FdG, @achabus, bien différent de la race de trolls gauchistes qui saute sur toute critique de son égérie et contribue à décrédibiliser son discours. C'est pour cette raison que ce billet n'est pas non plus taggé LaVraieGauche et apeau à trolls, preuve de ma bonne volonté à traiter du fond et pas de faire du LOL (même si ça fait du bien).

Tout est parti de cette interview du grand Yaka à France Info ce matin, juste après ce moment où j'accompagne la marmaille à l'école.


J.-L. Mélenchon à " La Matinale" de France Info... par lepartidegauche

On va résumer rapidement, on élaborera plus tard : Mélenchon veut surfer sur l'affaire Cahuzac pour réclamer un changement de régime par une Constituante, une 6e république, seule solution selon lui pour opérer un salutaire coup de balai. Le tout enrobé des attaques habituelles sur le "système" politique mais aussi médiatique, à coup de godille sémantique du style j'ai-bien-dit-"pourriture"-mais-j'ai-pas-dit-"tous pourris"-me-faites-pas-dire-ce-que-j'ai-pas-dit-petites-cervelles. Sur son blog Méluche en rajoute une couche sur l' "officialisme" et l'oligarchie, agrémenté de l'obligatoire référence à l'Incorruptible Robespierre, et qui atteint de nouveaux sommets dans le déshonneur par association dont il est coutumier.

Un militant FdG (lui aussi fort sympathique) que je fréquente sur un forum de discussion politique a l'habitude de dire que le PS c'est l'UMP sans la xénophobie. J'ai souvent envie de lui rétorquer que Jean-Luc Mélenchon c'est Marine Le Pen sans la xénophobie, tant les discours anti-système et victimaires (*) sont similaires (on arrêtera la comparaison ici bien entendu, leurs programmes respectifs n'ont rien à voir).

Bref, Mélenchon considère que l'affaire Cahuzac est le symptôme de la corruption irrémédiable d'un régime politique et que la seule solution est d'en changer. Traitons les problèmes à la source !




Intention louable mais je pense que c'est une erreur de diagnostic. @achabus n'est pas d'accord, c'est son droit. En effet aucun régime politique, a fortiori démocratique, n'est immunisé contre la corruption. On ne décrète pas la vertu par voie constitutionnelle. Ensuite Cahuzac aurait sans douté échappé aux solutions prônées par Mélenchon lui-même : son enrichissement ne s'est pas fait sur de l'argent public mais à travers ses activités de lobbying, qui se sont interrompues bien avant son entrée en politique. En quoi la publication de son patrimoine et de son évolution à l'occasion de ses différents mandats aurait-elle changé quoi que ce soit ? Mélenchon lui-même ne semble pas non plus un fervent partisan de la transparence si l'on en croit cet article publié il y a à peine deux semaines et déterré par Diego-san :

Quant au système médiatique qui selon Mélenchon est aussi pourri que le système politique, en quoi une nouvelle constitution pourrait-elle y remédier ? Doit-on rendre les journalistes eux aussi révocables par le peuple ? Renouveler de fond en comble la classe politique et suspendre une épée de Damoclès permanente au-dessus de la tête des élus ne changera rien à l'esprit de cour qui prévaut malheureusement chez les journalistes les plus en vue. A ce point de veulerie on est dans le domaine du Volksgeist et aucune loi, même fondamentale, n'y pourra rien changer. On ne transformera pas un vieux pays catholique et monarchique comme la France en une démocratie protestante scandinave par la magie d'un texte. Notre président précédent était très fort dans le maniement de l'arme législative, qui se révélait trop souvent plus proche du couteau à beurre que du katana japonais. Ne tombons pas dans les travers qu'on a passé 5 ans à dénoncer.

Dernier souci et non des moindres à propos de cette histoire de constituante. Bien que je sois moi-même partisan d'une 6e république tant les tares de la 5e sont nombreuses (son aspect monarchique, son manque d'équilibre des pouvoirs, la faiblesse des contre-pouvoirs, etc), j'ai même voté Montebourg à la primaire de 2011 sur cette promesse, et bien je ne suis pas du tout persuadé qu'une Constituante émanant du peuple aboutisse au résultat escompté par Mélenchon et le Front de Gauche, même en ce moment. Ceux-ci ont en effet une position très radicale sur le rôle des élus que ne partage pas forcément le reste de la population, n'oublions pas que la France est un pays très conservateur et majoritairement de droite (raison pour laquelle il est toujours délicat pour la gauche d'y gagner des élections nationales). Donc à quoi bon convoquer une Constituante si la Constitution qui en résulte n'adopte aucune des solutions avancées par ses principaux promoteurs ? Au contraire on pourrait parfaitement aboutir à l'effet inverse, le renforcement du pouvoir centralisé par la promesse de l'émergence d'un "homme fort".

On pourra aussi critiquer le timing, il y a certainement plus urgent que de bloquer les institutions pour une révision en période de crise (le porte-avion Charles-De-Gaulle bloqué pour révision en pleine guerre au Mali en serait une belle allégorie), mais j'admets la faiblesse de cet argument trop souvent servi pour justifier l'immobilisme. Cela dit je doute que les français y soient insensibles tant les sondages sur leurs préoccupations se suivent et se ressemble (le chômage toujours n°1).

Bref, la Constituante n'est pas la solution à nos problèmes. Notre 5e république s'accommodera très bien d'un renforcement des contrôles et des conditions d'éligibilité sans qu'on aie besoin d'en changer.




L'autre problème dans ce discours, c'est qu'en plus d'être une erreur de diagnostic c'est irresponsable dans le sens où ça accrédite dans l'esprit des gens le sentiment du "tous pourris". Le "système" serait tellement gâté jusqu'à l'os qu'il faudrait en changer de fond en comble par la volonté du peuple à travers une Constituante. Encore une fois, un discours peu éloigné sur la forme des discours frontistes, mais là aussi limitons la comparaison à la forme, vous ne me ferez pas dire que le FdG fait le jeu du FN (et pour cause, cf. ci-dessous).




La suite demain, qui portera sur l'opposition forme/fond dans le discours mélenchonniste (coeur de ma discussion d'aujourd'hui avec @achabus). Là, je suis crevé et je dois coucher les mômes.



(*) Mélenchon passe son temps à balancer des insultes à tout le monde, tout en se plaignant de celles qu'il reçoit, j'hésite à écrire "en retour" vu sa tendance à prendre les devants

2 commentaires:

  1. Le grand Yaka : c'est parfait !

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    1. C'est un surnom qui lui va assez bien et que j'utilise depuis pas mal de temps, comme dans ce billet :

      http://chezelfredo.blogspot.fr/2013/03/la-gauche-idolatre.html

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