mercredi 10 avril 2013

Front de Gauche : populisme ou plébéisme ?

(au passage, Front de Gauche ou Parti de Gauche, vu que personne en pratique ne fait la différence ?)

La critique la plus récurrente contre le Front de Gauche et son leader Jean-Luc Mélenchon, c'est celle de "populisme". Non sans arguments, cela dit, comme nous le verront plus loin. Mais cette critique m'a toujours mis mal à l'aise, notamment par son aspect péjoratif et les sous-entendus qu'elle véhicule.

En premier lieu, elle provoque systématiquement la comparaison avec l'autre Front, le Front National, lui aussi cible récurrente de ce genre d'attaque. Le choix du mot "Front" n'y est d'ailleurs pas étranger (en plus d'avoir un sens, les mots ont une portée symbolique). Le Front de Gauche en joue même à l'occasion sur le thème du "choc des Fronts", eux qui se voient l'adversaire principal du parti nationaliste (sans grand succès électoral soit dit en passant). On ne peut donc pas les exonérer de toute responsabilité dans ce raccourci, et on peut même rétrospectivement s'étonner d'un tel choix vu les facilités qu'il procure à l'éditocratie. Ses géniteurs sont des professionnels de la politique qui ne pouvaient ignorer l'effet qu'engendrerait une telle proximité.

Qu'est-ce donc que le populisme ? Je me remémore un débat très intéressant dans l'émission Ce Soir Ou Jamais, à laquelle avait participé Mélechon et une philosophe dont j'ai oublié le nom, selon laquelle le marqueur du populisme était son absence d'idées et son recours systématique au peuple pour y pallier.

Or cette absence d'idées, qui caractérise parfaitement le Front National, c'est un procès qu'on ne peut absolument pas faire au Front de Gauche vu leur travail idéologique conséquent. Peut-on alors continuer à taxer le Front de Gauche de populisme ?

Creusons un peu plus. Wikipédia à la rescousse :
Le populisme désigne un type de discours et de courants politiques, prenant pour cible de ses critiques « les élites » et prônant le recours au « peuple » (d’où son nom), s’incarnant dans une figure charismatique et soutenu par un parti acquis à ce corpus idéologique. Il suppose l'existence d'une démocratie représentative qu’il critique. C'est pourquoi il est apparu avec les démocraties modernes, après avoir connu selon certains historiens une première existence sous la République romaine
Cette critique des élites, notamment de l'oligarchie et de l' "officialisme", elle est omniprésente dans le discours des responsables du Front de Gauche, chez Mélenchon bien sûr, mais aussi chez le Secrétaire national du PG François "17 salopards" Delapierre. La critique de la démocratie représentative également : la principale revendication institutionnelle du Front de Gauche est la mise en place de référendums révocatoires dans le cadre d'une extension du contrôle du peuple sur ses représentants élus.

Ces discours et revendications traduisent au passage une profonde césure au sein de la gauche, comme on peut le sentir lors de cette passe d'arme entre Delapierre et Pascal Durand, le Secrétaire national d'EELV au cours de l'émission Mots Croisés du 08/04/2013 ("Après Cahuzac : le soupçon"), vers 33 minutes :

http://www.france2.fr/emissions/mots-croises/diffusions/08-04-2013_50156


[Intégrale] Mots croisés du 08-04 à 22h55 par francetvinfo

Delapierre avait auparavant remis en cause la légitimité des magistrats, arguant de leur absence de représentativité populaire que confère l'élection au suffrage universel (vers 29 minutes, "des juges élus par personne"). Durand lui rappelle à juste titre que les magistrats sont légitimes dans une démocratie et que remettre en cause cette légitimité par cet argument est une critique de la démocratie et de notre République. Je suis totalement d'accord avec Durand sur ce point : dans une démocratie, la légitimité n'émane pas du peuple via l'élection au suffrage universel, mais de la Constitution. Les magistrats représentent le pouvoir judiciaire défini par la Constitution, ils rendent la justice au nom du peuple en votant les lois adoptées par le Parlement représentant le peuple (ce qui rend nécessaire sa représentativité, on est d'accord là-dessus). Les magistrats n'ont pas à être représentatifs du peuple et encore moins être élus. Le Front de Gauche veut-il une élection des magistrats comme aux USA, avec toutes les dérives que cela implique ? De même, les corps intermédiaires (comme les syndicats) et les associations sont légitimes pour s'exprimer dans une démocratie sociale comme la nôtre, et pourtant ils ne sont pas élus. Le Front de Gauche fait-il siennes les critiques récurrentes de la droite envers les syndicats ? Les journalistes ne sont pas élus. Sont-ils légitimes ? Doit-on pouvoir les révoquer par référendum ou les soumettre à un contrôle populaire ?

Dans son discours, Durand confond donc représentativité et légitimité démocratique, ce que je trouve dangereux et pour tout dire populiste.

Revenons-en à la définition de ce mot. Un peu plus loin dans l'article Wikipédia :
Le populisme met en accusation les élites ou des petits groupes d'intérêt particulier de la société. Parce qu'ils détiennent un pouvoir, le populisme leur attribue la responsabilité des maux de la société : ces groupes chercheraient la satisfaction de leurs intérêts propres et trahiraient les intérêts de la plus grande partie de la population. Les populistes proposent donc de retirer l'appareil d'État des mains de ces élites égoïstes, voire criminelles, pour le « mettre au service du peuple ».
Là encore cette définition est relativement proche des solutions institutionnelles prônées par le Front de Gauche. Mais :
 Afin de remédier à cette situation, le dirigeant populiste propose des solutions qui appellent au bon sens populaire et à la simplicité. Ces solutions sont présentées comme applicables immédiatement et émanant d'une opinion publique présentée comme monolithique. Les populistes critiquent généralement les milieux d'argent ou une minorité quelconque (ethnique, politique, administrative, etc.), censés avoir accaparé le pouvoir ; ils leur opposent une majorité, qu'ils représenteraient.
Et c'est là où l'on voit que le Front de Gauche ne peut être qualifié de populiste, contrairement au FN. En effet le Front de Gauche ne se réclame jamais d'une quelconque "majorité silencieuse" ni d'un "bon sens populaire", bien au contraire. La définition qu'a le Front de Gauche du "peuple" n'a rien à voir avec ce fantasme véhiculé par les populistes, elle revient au contraire aux fondamentaux de la démocratie. Le Front de Gauche ne prône pas non plus l'avènement d'un chef qui exercerait le pouvoir au nom du peuple et au-dessus des corps intermédiaires et des instances représentatives, mais au contraire prône le transfert du pouvoir de contrôle du sommet vers la base.

Le Front de Gauche n'est donc pas populiste. Leurs critiques envers le "système" sont très (trop ?) similaires à celles exprimées par les partis populistes comme le FN, mais les solutions qu'ils proposent y sont diamétralement opposées.

En remplacement du terme de populisme, je propose donc l'emploi d'un néologisme pour qualifier le discours du Front de Gauche : le plébéisme. Le plébéisme prône le recours au peuple (la plèbe) face au système et à ses élites (les patriciens) pour revenir aux bases de la démocratie, par la mise en place d'un contrôle populaire direct sur les institutions démocratiques, afin de prévenir la main-mise d'une caste dirigeante sur le pouvoir et de corriger les dérives de la démocratie représentative qui le serait de moins en moins.

3 commentaires:

  1. Une certaine extrême gauche a piqué la xénophobie, l'europhobie et le poujadisme du Fn, c'est le M'Pep. Alors qu'au Fdg on insulte le PS et on se plaint d'être mis dans le même panier que Le Pen, je crains qu'avec des énergumènes comme Vivas et Balme dont certains représentants du PG ont de l'indulgence sans compter l'admiration complète pour Chavez et quelque peu pour Cuba qui n'est pas une dictature, il y a largement de quoi balayer devant sa porte. A l'heure où 15% de gens comptent voter pour le Fn, je pense par ailleurs que l'abstention, je pense que certains qui ont toujours les mêmes arguments, la politique slogan, l'agressivité et la bien-pensance perpétuelle s'enfoncent et se trompent lourdement d'adversaire en attaquant le PS et non l'Ump et pour le vote prolo j'en parle même pas car celui-ci va s'abstention pendant qu'une part non négligeable de bobos continueront à voter Fdg. Une faible proportion de prolo voteront NPA ou LO si pas FDG. Mélenchon, Corbière et Delapierre ont plus de comptes à régler avec leurs anciens camarades en prenant le prolo pour un imbécile. A force de jouer à l'abruti bipolaire, Mélenchon y perd beaucoup et je ne pense pas qu'aux européennes de 2014, il fasse un score plus élevé qu'en 2009.

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    1. Assez d'accord, et pour l'aspect réglage de comptes et perte de l'électorat modéré cf mon autre billet : http://chezelfredo.blogspot.fr/2013/06/melenchon-mechancon.html

      (ps: j'ai supprimé ton 2nd commentaire dupliqué)

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  2. Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.

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